Depuis quelques décennies, le commerce international lié à la faune sauvage a beaucoup progressé avec
l’amélioration des voies et moyens de communication. Il a connu un essor fulgurant ces dernières années, à cause d'une forte hausse de la demande des produits de la chasse, et plus
particulièrement de l'ivoire d'éléphant et de la corne de rhinocéros utilisés dans la médecine traditionnelle asiatique (principalement chinoise, vietnamienne et thaïlandaise), rendant les prix
plus intéressants qu'autrefois. Aujourd’hui, le braconnage, qui alimente presque la totalité de ce commerce très lucratif et qui décime les populations de rhinocéros et d'éléphants, ne cesse de
se développer dans les parcs et réserves d’Afrique qui ne sont d’ailleurs désormais des sanctuaires que sur papier.
Ainsi, il ressort d'un récent rapport du comité
permanent de la Convention sur le commerce international de la faune et de la flore sauvages menacées d'extinction (CITES) réuni au mois d'août 2011 à Genève, que les niveaux de braconnage et
commerce illégal des éléphants connaissent actuellement un pic jamais atteint au cours des 20 dernières années, au risque pour ce pachyderme, d'être à terme rayé de la carte de certaines régions
d’Afrique.
C'est face à ce constat que les chefs d'États des pays
de la Coalition pour l'Eléphant d'Afrique (CEA),
se sont réunis du 4 au 7 septembre 2012 au Burkina Faso pour décider de mesures d'urgences visant à protéger les éléphants du continent contre le braconnage et le trafic d’ivoire, en constante
augmentation d'année en année. Ils se sont donc donnés pour mission « d'offrir à ces animaux un avenir plus sûr à long terme et appellent de leurs
vœux un soutien international à tous les niveaux. Ils encouragent les pays développés et tout un chacun à apporter dès aujourd'hui leur contribution au Fonds pour l'Eléphant
d'Afrique ».
Le
constat qui ressort en effet de cette réunion, est révélateur d’une triste situation des éléphants dans tous les pays concernés. Ainsi, selon les délégués:
– 25 éléphants ont été abattus en 3 jours en République
Démocratique du Congo en mars 2012 ;
Dans ce vaste pays où sévit un conflit armé depuis
plusieurs années, des milliers d’éléphants ont été illégalement abattus, aussi bien par des braconniers que par les différents belligérants. Le nombre d’éléphants est ainsi passé de 80 000
individus il y a une quinzaine d’années à moins de 10 000 en 2012 et probablement beaucoup moins aujourd’hui.
– En Côte-d’Ivoire, le braconnage augmente
régulièrement et plusieurs éléphants sont abattus chaque jour. (3 éléphants ont par exemple été abattus le 16 septembre 2012).
On estime que plusieurs éléphants ont également laissés
leurs défenses aux braconniers pendant la période de guerre
– Au Congo, un éléphant est abattu toutes les minutes
et selon les estimations, les braconniers auraient tués des dizaines de
milliers d’éléphants en 2011
– Dans la réserve de Babila en Ethiopie, 30 éléphants
ont étés abattus au cours des 12 derniers mois précédent la réunion de septembre 2012;
– Au Kenya plus de 250 éléphants ont déjà été abattus
en septembre 2012;
– Au Tchad, le nombre d’éléphant du Parc de Zakouma est
passé de 4000 en 2006 à moins de 1000 aujourd’hui;
– En République Centrafricaine les éléphants sont
passés de 70 000 en 1970 à moins de 200 en 2012. Ce pays a déjà probablement perdu tous ses éléphants de savane.
- Par ailleurs, au Cameroun où vivaient selon l’UICN
entre 1000 et 5000 éléphants en 2007, on estime à au moins 500 le nombre d’éléphants tués par les braconniers dans le seul Parc de la Virunga, depuis 2010. En janvier 2013, près de 200 éléphants
ont été massacrés pour leurs défenses dans le parc National de Bouba N’djida qui en comptait 600, par des braconniers venus du Tchad.
- Quant au Gabon, qui abrite plus de la moitié des éléphants de forêts d’Afrique, le nombre d’éléphants a chuté de près de 62 % en 10 ans à cause essentiellement du
braconnage qui y a pris un essor fulgurant ces dernières années. Ainsi le 5 février 2013 l'Agence nationale des parcs nationaux du Gabon (ANPN) a
annoncé que quelques 11 100 éléphants avaient étés tués dans le parc national de Minkébé entre 2004 et 2012. Enfin selon les autorités de ce pays, entre 50 et 100 éléphants sont tués chaque jour,
victimes de braconniers venus de pays voisins (Tchad, Cameroun, Centrafrique) où il n’existe presque plus d’éléphants.
Globalement, on estime que 38000 éléphants sont tués
chaque année en Afrique, et qu'à ce rythme l'éléphant aura complètement disparu du continent d'ici une vingtaine d'année.
Enfin, selon l’Union internationale pour la
conservation de la nature (UICN), on ne compterait d'ailleurs plus que 450 000 éléphants dans toute l'Afrique contre 600 000 en 2007 et 1,3 million en 1979.
Au même titre que les éléphants, les rhinocéros paient
aussi le lourd tribut du braconnage. Ils sont en effet eux-aussi victimes de l’essor commercial lié à leurs cornes en Asie, notamment au Vietnam et en Chine, où elles sont prisées pour la
médecine traditionnelle.
Leur prix sur le marché noir avoisine ainsi celui de l'or, et le dépasse même. Selon une publication de Slate Afrique du 16 août 2011, la valeur de la corne de rhinocéros serait ainsi estimée en
2011 à 60 000 livres, soit 68 000 €, par kilogramme, c’est-à-dire près de deux fois la valeur de l'or à la même époque.
Le marché asiatique de la corne de rhinocéros et
surtout le prix auquel elle s'échange, ne laisse évidemment pas indifférent les braconniers du monde entier, qui débarquent en Afrique pour accomplir leur basse œuvre au détriment de la
population de rhinocéros, dont le nombre de tués ne cesse d'augmenter de manière exponentielle d'année en année dans tous les pays de l’aire de
répartition.
En Afrique, l'Afrique du Sud est le plus grand foyer du
braconnage car elle concentre le plus grand nombre de rhinocéros au monde (entre 70 et 80 %).
La courbe du massacre y a grimpé en flèche ces dernières années. Les statistiques officielles montrent que :
-
668 Rhinocéros ont été braconnés en 2012;
-
448 Rhinocéros ont été braconnés en 2011;
-
333 Rhinocéros ont été braconnés en 2010;
-
122 Rhinocéros ont été braconnés en 2009;
-
83
Rhinocéros ont été braconnés en 2008;
-
13
Rhinocéros ont été braconnés en 2007;
Depuis le début de l’année 2013, ce braconnage se
poursuit au rythme alarmant de quasiment deux rhinocéros tués par jour, et ce, en dépit du renforcement des mesures de sécurité et d’un recours plus important à l’Armée.
Au Zimbabwe 23 rhinocéros ont été abattus en 2011
contre 30 en 2010 témoignant ainsi d’une légère diminution, mais ce chiffre demeure considérable au regard de la population des rhinocéros de ce pays qui ne compterait en 2012 plus que 700
rhinocéros noir et blanc.
En Afrique de l'Ouest, une récente étude sur le
rhinocéros noir, a conduit à conclure à l’extinction de l’espèce qui a été officiellement déclarée éteinte par l’UICN le 10 novembre 2011. Il
semblerait qu'il en soit de même en République Centrafricaine, au Cameroun comme dans le reste de l'Afrique centrale.
Quant à la sous-espèce de rhinocéros blanc d’Afrique
centrale, elle est aussi aujourd’hui à la limite de l’extinction et a été classée par l’UICN parmi les espèces susceptibles d’être éteintes à l’état
sauvage.
Globalement, selon les chiffres actuels de l'UICN, il
ne resterait plus que 5 055 rhinocéros noirs et 20 405 rhinocéros blancs environ en Afrique.
Les experts réunis dernièrement à Nairobi au Kenya,
estiment donc, que si le braconnage continue à son rythme actuel et si rien n’est fait pour l’éradiquer, les rhinocéros pourraient disparaître totalement dès 2025.
Il est donc plus qu’urgent, au niveau national comme au niveau international, de prendre des mesures
draconiennes si nous ne voulons pas assister dans un très proche avenir à la disparition totale de la grande faune africaine. Au niveau national, des mesures conséquentes et des moyens matériels
et humains effectifs doivent être mis en œuvre avec l’aide de partenaires étrangers pour enfin parvenir à lutter efficacement contre ce phénomène. Car jusqu'à aujourd'hui, mêmes si les autorités
affirment régulièrement leur volonté de lutter contre le braconnage, ils parviennent rarement (compte tenu de leur situation économique) à mettre en
œuvre les moyens nécessaires. Les moyens qu’ils arrivent à mobiliser sont de loin insuffisants et disproportionnés face à ceux déployés par des braconniers, très bien organisés, qui n’hésitent
plus (compte tenu du cours très attrayant actuel de ces produits), à utiliser hélicoptères, équipements de vision nocturne et fusils de gros calibre.
Il est donc temps que des moyens adéquats, et notamment
en armes et en véhicules tout terrain, soient donnés aux agents chargés de la surveillance des parcs et réserves afin qu'ils puissent lutter à armes égales avec les braconniers. Des moyens
militaires doivent régulièrement être également mobilisés. Mais, une action énergique contre le braconnage suppose également qu’une lutte acharnée soit menée contre la corruption, et que les
exigences économiques n’amènent pas trop souvent les pouvoirs publics à fermer les yeux sur les trafics.
Par ailleurs, les législations qui protègent les
animaux doivent être scrupuleusement appliquées et les braconniers arrêtés doivent être jugés sans complaisance et envoyés en prison.
Enfin, il faudrait que les Etats, au niveau bilatéral
comme régional, coopèrent pour lutter ensemble contre le braconnage. En Afrique de l’Ouest, une convention existe entre le Bénin et le Burkina Faso. Il serait donc souhaitable de l’élargir à
d’autres pays de la région et que ce modèle de coopération soit également initié en Afrique Centrale comme en Afrique Australe.